Présentation

La journée  d’études organisée par le GRHis, le 15 janvier 2014, à Rouen s’inscrit dans le cadre du pôle thématique «  Pensée critique » du consortium ArcMC. Elle s’est déroulée en trois temps, en associant à chaque fois un  corpus de formes brèves d’imprimés (brochures, tracts, affiches, éditions vulgarisées…) pour lesquels le travail de numérisation et les outils de consultation ont été développés par la MSH de Dijon et des chercheurs impliqués par leurs recherches en cours ou achevées dans l’élaboration et l’enrichissement de ces corpus.

Programme

9 h 30 : Accueil des participants
9 h 45 : Introduction : les sources de la pensée critique

10 h 00 – 11 h 15 Autour du corpus Marx et Engels
Aude Le Mollec (doctorante, École Nationale des chartes), Jean-
Numa Ducange (MCF, Université de Rouen), Richard Lagache
(éditeur, La Dispute / Éditions Sociales)

11 h 15 – 12 h 00 Autour du corpus « Brochures de la Bibliothèque
marxiste de Paris »

Vincent Chambarlhac (MCF, Université de Bourgogne), Thierry
Hohl (PRAG, Université de Bourgogne)

12 h 00 – 12 h 30 Autour de la bibliothèque d’Ernest Labrousse
Marie-Cécile Bouju (MCF, Université de Paris VIII)

14 h 00 – 15 h 00 Autour du corpus Patrick Kessel (années 1960-
1970)

Ludivine Bantigny (MCF, Université de Rouen), Julien Hage
(agrégé-docteur, CHCSC Versailles Saint-Quentin)

15 h 00 – 16 h 00 Regards sur les projets de numérisation
Yann Potin (Archives Nationales), Jacques Paparo (Friedrich Ebert
Stiftung, Bonn)

16 h 00 – 17 h : Débat

17 h 00 Remarques conclusives : Serge Wolikow (Professeur
émérite, Directeur du Consortium Mondes contemporains)

 

Compte-rendu

La journée a débuté autour du projet de la Grande Editions Marx et Engels (GEME). Jean-Numa Ducange a d’abord présenté le premier échantillon numérisé de la GEME relatif aux éditions d’avant 1914, en détaillant les différentes entrées des notices, et leur utilité pour les chercheurs. Le corpus réuni des éditions dispersées entre plusieurs bibliothèques, permettant d’offrir au chercheur un outil unique. Il a souligné l’important rôle des traducteurs, préfaciers et tout ce qui concerne l’appareil critique de ces éditions, parfois très rares.

Aude Le Moullec travaillant sur le parcours de Maximilien Rubel a exposé son travail éditorial pour l’édition des œuvres de Marx dans la collection La Pléiade.  Par son travail Rubel souhaitait « arracher Marx de la tradition marxiste ». Si son intention n’a pas forcément été contestée, ses pratiques scientifiques ont fait l’objet de critiques par d’autres traducteurs et éditeurs. L’étude de cette édition sera  intégrée à la  GEME car ses particularités s’éclairent par le rapprochement des textes de ce corpus.

Richard Lagache de son côté, a dressé un panorama historique des différentes éditions des œuvres de Marx et Engels en France, indiquant les différentes traductions entreprises, les principaux éditeurs, insistant sur les différents  types de support et  les choix d’image éditoriales, des années 1950 à nos jours.

La discussion qui a suivi  a porté sur la spécificité des formes brèves d’imprimés, de leurs intérêts pour la recherche et des  pratiques archivistiques  spécifiques qu’elles impliquent.

Le second corpus approché fut celui des  « brochures de la bibliothèque marxiste de Paris ».  Vincent Chambarlhac a retracé le parcours de cette institution militante qui naît au milieu des années 1950 qui prend progressivement une inflexion patrimoniale. En 1964 elle intègre l’institut Maurice Thorez, puis entre 1979 et 1985 elle entre dans période de sommeil avant de reprendre progressivement ses activités, jusqu’en 2001, quand elle ferme définitivement. Ses fonds aujourd’hui font l’objet de projet de numérisation et notamment un corpus de plus de 15000 brochures. 3000 d’entre elles ont pour le moment fait l’objet d’un traitement archivistique et numériques à la MSH de Dijon.

Ces documents mis à la disposition des chercheurs constituent un ensemble de source pour des travaux sur l’histoire du communisme, du mouvement ouvrier, des idées révolutionnaires. L’usage que Thierry Hohl a fait des brochures dans le cadre de ses recherches révèle l’intérêt historique de ce corpus. Son approche a été double à la fois quantitative et qualitative.  D’une part, il a extrait de cet ensemble un sous corpus thématique d’environ 90 brochures de 1895 à 1940, concernant l’antisémitisme et l’antifascisme pour réaliser une analyse comparé et d’autre part, en partant d’une brochure antifasciste de Jean Zyromski, il a tenté d’en retracer les conditions de production à travers une étude contextuelle prenant en compte aussi bien en compte la singularité de l’auteur que les contextes sociales et politiques dans lequel il s’inscrivait.

Le corpus de Patrick Kessel a constitué le troisième temps de cette journée. Julien Hage a présenté le Fonds Kessel sur lequel il a travaillé et pour lequel il a aussi contribué à son traitement archivistique au côté de Jean-Numa Ducange, soulignant ainsi l’articulation pas toujours évidente mais souvent enrichissante entre chercheurs et archivistes. Ce fonds se trouve à mi-chemin entre une bibliothèque personnelle et une bibliothèque d’organisation, à partir d’un fonds privé contenant un fort volet « maoïste ». Une importante partie de cette documentation concerne la guerre d’Algérie et Mai 68. Patrick Kessel a accumulé, dans une démarche personnelle à la fois patrimoniale et militante, une masse importante de brochures et périodiques qui lui ont servi aussi bien à sa propre documentation qu’à celle plus large des réunions de militants qu’il organisait chez lui.

Concernant Mai 1968, ce fond vient compléter les différents corpus déjà constitués à la BDIC et à la BNF, proposant notamment un nombre important de brochures et périodiques éphémères, des objets généralement assez peu archivés. Ludivine Bantigny a souligné dans son intervention comment ces formes brèves d’imprimés et en particulier les tracts peuvent être traités par les chercheur et offrirs de nouveaux approfondissements pour les recherches sur la période 1968 en France. A partir d’une étude des tracts considérés autant comme objets que discours, elle propose de venir questionner les usages du temps, comment notamment certains de ces tracts ont fait du passé une proposition politique (ex : La Commune), les usages des émotions et l’histoire des futures et des espoirs imaginés véhiculés aussi bien dans les formes, motifs et expression de ces tracts.

Enfin, dans un dernier temps, un regard a été porté sur d’autres institutions travaillant sur des corpus similaire. Marie-Cécile Boujou a ainsi pu présenter la bibliothèque d’Ernest Labrousse, l’usage qu’il en a fait de son vivant et l’usage qui peut en être fait aujourd’hui depuis que ces ayant droits ont confiés la bibliothèque à un groupe de recherche et à la bibliothèque de l’université de Paris 8.

Jacques Paparo est venu présenter la fondation politique Friedrich Erbert qui est la plus ancienne institution de ce type en Allemagne. Elle possède plus de 46 km linéaire d’archives papier pour lesquelles depuis les années 1990, une numérisation massive a été mise en route. Au fils des années les choix et méthodes de numérisation se sont améliorés avec le souci de rendre toujours plus accessible et interrogeable cette importante masse de documents politiques. Plusieurs corpus spécifiques ont été constitués, notamment une collection  sur les mouvements ouvriers allemands, mais aussi européens et internationaux.

Une représentante des archives nationales a évoqué l’important corpus de formes brèves d’imprimés se trouvant au sein des archives administratives ; documents qui sont pour le moment assez peu visibles car cette institution ne dispose pas des outils pour permettre une bonne signalisation.

Après plusieurs échanges, la journée s’est conclue par les propos de Serge Wolikow sur l’apport du numérique dans les pratiques des chercheurs en sciences sociales, la transformation progressive de leur rapport aux sources et données brutes qui conduit à de nouveaux questionnements scientifiques. Pour l’histoire du temps présent, par exemple le numérique vient « revaloriser » un ensemble de documents d’archives d’expression écrite au côté des corpus d’archives orales massivement constitués et exploités dans l’historiographe de ces dernières décennies.